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MADAME CHRYSANTÈME

laquelle se mêle, dans une proportion que nous ne savons même pas apprécier, quelque chose de mystique, je ne sais quoi de puéril et de macabre en même temps. Une sorte d’horreur religieuse est répandue par ces idoles, que nous devinons derrière nous dans le temple, par ces prières confusément entendues ; — surtout par ces têtes de renard blanc, en bois laqué, cachant, de temps à autre, les visages humains qui passent, — par tous ces affreux masques blêmes…


Dans les jardins et les dépendances de ce temple se sont installés d’inimaginables saltimbanques dont les banderoles noires, bariolées de lettres blanches, au bout de hampes gigantesques, flottent au vent comme des ornements de catafalque. Nous nous y rendons en troupe, quand nos mousmés ont achevé leurs dévotions et jeté leurs offrandes.

Dans une baraque de cette foire un homme est seul en scène, étendu à plat dos sur une table. De son ventre surgissent des marionnettes de grandeur presque humaine avec d’horribles masques louches ; elles parlent, gesticulent, — puis s’effondrent comme des loques vides ; remontent de nou-