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MADAME CHRYSANTÈME

Cependant un incontestable sentiment de la nature a présidé à cette réduction microscopique d’un site sauvage. Les rochers sont bien posés. Les cèdres nains, pas plus hauts que des choux, étendent sur les vallées leurs branches noueuses avec des attitudes de géants fatigués par les siècles, — et leur air grand arbre déroute la vue, fausse la perspective. Du fond sombre de l’appartement, quand on aperçoit, dans un certain recul, ce paysage relativement éclairé, on en vient presque à se demander s’il est factice ou si, plutôt, on n’est pas soi-même le jouet de quelque illusion maladive, si ce n’est pas de la vraie campagne aperçue avec des yeux dérangés, plus au point, — ou bien regardée par le mauvais bout d’une lorgnette.

Pour qui a quelques notions de japonerie, l’intérieur de ma belle-mère révèle à lui seul une personne raffinée : nudité complète ; à peine deux ou trois petits paravents posés çà et là, — une théière, un vase où trempent des lotus ; rien de plus. Des boiseries sans aucune peinture ni vernis, mais ajourées avec une capricieuse mignardise, très finement menuisées, et dont on entretient la blancheur de sapin neuf par de fréquents lavages au