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MADAME CHRYSANTÈME

À la fin ils arrivent, Matsou-San et Donata-San, de là-bas, des profondeurs tranquilles de la bonzerie. Ils sont vêtus de gaze noire, et leur tête est rasée. Souriants, aimables, se confondant en excuses, ils vous tendent la main et on les suit, pieds nus comme eux, jusqu’au fond de leur mystérieuse résidence, à travers des séries d’appartements vides tapissés de nattes d’une incomparable blancheur. Les salles qui se succèdent ne sont séparées les unes des autres que par des stores en bambou d’une finesse exquise, relevés au moyen de glands et de torsades en soie rouge.

Toute la construction intérieure est du même bois couleur beurre frais, menuisé avec une extrême précision, sans le moindre ornement, sans la moindre sculpture ; tout semble neuf et vierge, comme n’ayant jamais subi aucun contact de main humaine. De loin en loin, dans cette nudité voulue, un petit escabeau précieux, incrusté merveilleusement, supporte un vieux magot de bronze ou un vase de fleurs ; aux murs pendent quelques esquisses de maître jetées vaguement à l’encre de Chine, sur des bandes de papier gris très correctement coupées, mais qu’aucune