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MADAME CHRYSANTHÈME

et ce laurier fleuri, tout était repoussoir obscur.

Sur la jolie ombrelle rouge et bleue, de grandes lettres blanches formaient cette inscription, qui est en usage pour les mousmés et qu’on m’a appris à connaître : Nuages, arrêtez-vous, pour la regarder passer. Et il en valait la peine, en effet, de s’arrêter pour cette précieuse petite personne, d’une japonerie si idéale.

Cependant, il n’eût pas fallu s’arrêter trop longtemps et se laisser prendre ; c’eût été encore un leurre. Poupée comme les autres évidemment, poupée d’étagère et rien de plus. En la regardant, je me disais même que Chrysanthème, apparaissant à cette même place, avec cette robe, cet éclairage et ce nimbe de soleil, eût produit un effet aussi charmant.

Car elle est gentille, Chrysanthème, ce n’est plus contestable… Hier au soir, je me rappelle, je l’ai admirée. C’était la nuit ; nous revenions, avec l’escorte des petits ménages pareils au nôtre, de la tournée habituelle dans les maisons de thé et les bazars. Tandis que les autres mousmés marchaient en se donnant la main, parées de pompons d’argent tout neufs qu’elles venaient de se faire offrir,