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MADAME CHRYSANTHÈME

neur aujourd’hui, opère au fond de la banlieue, dans ce quartier antique de grands arbres et de pagodes sombres où j’avais rencontré l’autre jour une mousmé si jolie. Son enseigne se lit en plusieurs langues, plaquée sur un mur, au bord de ce petit torrent qui descend de la verte montagne traversé par des ponts courbes en granit séculaire et bordé de bambous légers ou de lauriers-roses en fleurs.

Cela étonne et cela déroute, un photographe niché là, dans tout ce Japon d’autrefois.

Précisément on fait queue à sa porte aujourd’hui ; nous tombons mal. Il y a toute une file de chars à djin qui stationnent, attendant des clients qu’ils ont amenés et qui passeront avant nous. Les coureurs, nus et tatoués, peignés correctement en bandeaux et en chignon, font la causette, fument des petites pipes, ou rafraîchissent dans l’eau du torrent leurs jambes musculeuses.

La cour d’entrée est d’une irréprochable japonerie, avec des lanternes et des arbres nains. Mais l’atelier où l’on pose pourrait être aussi bien à Paris ou à Pontoise : mêmes chaises en « vieux chêne », mêmes poufs défraîchis, colonnes en plâtre et rochers en carton.