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Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/249

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MADAME CHRYSANTHÈME

Nous louons cinq djins et cinq chars, en bas, dans la grand’rue, devant chez madame Très-Propre, qui nous choisit, pour cette expédition tardive, des lanternes énormes et toutes rondes, de gros ballons rouges ornés de méduses, d’algues, et de requins verts.

Il est près de onze heures quand nous nous mettons en route. Dans les quartiers du centre, les bons Nippons ferment déjà leurs petites échoppes, éteignent leurs lampes, tirent leurs panneaux de bois, poussent leurs châssis de papier.

Et plus loin, dans les antiques rues de la banlieue, tout est clos depuis longtemps ; nos chars roulent dans la nuit très noire. Nous crions à nos djins : Ayakou ! ayakou ! (Vite ! vite !) et ils courent à toutes jambes, en poussant de petits hurlements, comme des bêtes joyeuses, emballées par gaîté. Dans l’obscurité, nous allons un train de tempête, à la file indienne tous les cinq, cahotés furieusement sur les vieilles dalles disjointes, que nos ballons rouges éclairent mal en s’agitant toujours à l’extrémité de leurs tiges en bambou. De temps à autre, quelques Nippons, coiffés de nuit en mouchoir bleu, ouvrent une fenêtre pour regar-