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MADAME CHRYSANTHÈME

très gentille dans sa pose de sommeil. Ensuite, madame Prune, qui dort la bouche ouverte, montrant son râtelier noir ; de son gosier sort un bruit intermittent, pareil au grognement d’une truie… Oh ! qu’elle est vilaine, madame Prune !! — Et puis, M. Sucre, momifié pour l’instant. — Et enfin à son côté, dernière de la rangée, leur bonne, mademoiselle Dédé !!!…

La gaze tendue jette sur eux des reflets couleur d’eau marine ; on dirait des personnes noyées dans un aquarium. Et ces saintes veilleuses, cet autel armé d’étranges symboles shintoïstes donnent un faux air religieux à ce tableau de famille.

Honni soit qui mal y pense, mais pourquoi n’est-elle pas plutôt couchée à côté de ses maîtresses, cette jeune servante ? Chez nous là-haut, quand nous offrons l’hospitalité à Yves, nous avons soin de nous placer, sous notre moustiquaire, d’une façon bien plus correcte…

Un recoin que nous allons visiter en dernier lieu m’inspire une certaine appréhension. C’est une soupente basse et mystérieuse, contre la porte de laquelle est collée, comme chose perdue, une très vieille image de piété : Kwanon-aux-mille-bras