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MADAME CHRYSANTÈME

Cependant Chrysanthème, par politesse pour Yves-San, allume une lanterne et le reconduit, en tunique de nuit, jusqu’au bas de l’escalier sombre.

— Il me semble même entendre qu’en se quittant, ils s’embrassent… Au Japon c’est sans conséquence je le sais bien ; cela se fait beaucoup, c’est très reçu ; n’importe où, dans des maisons où l’on entre pour la première fois, on embrasse très bien des mousmés quelconques sans que personne y trouve à redire. — Mais c’est égal, Yves est vis-à-vis de Chrysanthème dans une situation particulière, et il devrait mieux le comprendre. Je m’inquiète des heures qu’ils ont souvent passées au logis, seuls ensemble ; je me dis qu’aujourd’hui même je vais, non pas les épier, mais parler à Yves bien franchement, pour en avoir le cœur net…

… En bas, tout à coup, clac ! clac ! le battement de deux mains sèches : c’est l’avertissement de madame Prune au grand Esprit. Et tout aussitôt sa prière éclate, s’élance, en fausset nasillard, suraigu comme part la sonnerie irritante et inexorable d’un réveille matin quand l’heure est venue, comme se fait le bruit machinal d’un ressort qu’on lâche et qui se déroule…