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MADAME CHRYSANTHÈME

sans doute. Elle roule des yeux de chatte craintive ; puis, apprivoisée tout de suite, vient s’appuyer contre moi, avec une câlinerie de bébé qui sonne adorablement faux. Elle est mignonne, fine, élégante ; elle sent bon. Drôlement peinte, blanche comme du plâtre, avec un petit rond rose bien régulier au milieu de chaque joue ; la bouche carminée et un peu de dorure soulignant la lèvre inférieure. Comme on n’a pas pu blanchir la nuque, à cause des cheveux follets qui sont nombreux, on a, par amour de la correctitude, arrêté là le plâtrage blanc en une ligne droite que l’on dirait coupée au couteau ; il en résulte, derrière son cou, un carré de peau naturelle, qui est très jaune…

Un son impérieux de guitare derrière la cloison, un appel évidemment ! Crac, elle se sauve, la petite fée, s’en va retrouver les imbéciles d’à côté.

Si j’épousais celle-ci, sans chercher plus loin ? Je la respecterais comme un enfant à moi confié ; je la prendrais pour ce qu’elle est, pour un jouet bizarre et charmant. Quel amusant petit ménage cela me ferait ! Vraiment, tant qu’à épouser un bibelot, j’aurais peine à trouver mieux…