Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/49

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
33
MADAME CHRYSANTHÈME

Entrée de M. Kangourou. Complet en drap gris, de la Belle-Jardinière ou du Pont-Neuf, chapeau melon, gants de filoselle blancs. Figure à la fois rusée et niaise ; presque pas de nez, presque pas d’yeux. Révérence à la japonaise : plongeon brusque, les mains posées à plat sur les genoux, le torse faisant angle droit avec les jambes comme si le bonhomme se cassait ; petit sifflement de reptile (que l’on produit en aspirant la salive entre les dents et qui est le dernier mot de la politesse obséquieuse dans cet empire).

— Vous parlez français, monsieur Kangourou ?

— Vi ! Missieu !

Nouvelle révérence.

Il m’en fait pour chaque mot que je dis, comme s’il était un pantin à manivelle ; quand il est assis devant moi par terre, cela se borne à un plongeon de la tête, — accompagné toujours du même bruit sifflant de salive.

— Une tasse de thé, monsieur Kangourou ?

Nouveau salut et geste très précieux des mains, comme pour dire : « J’oserais à peine ; c’est trop de condescendance de votre part… Enfin, pour vous obéir… »