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MADAME CHRYSANTHÈME

tantes) prêtent l’oreille, et M. Kangourou leur traduit, en atténuant, les choses navrantes que je dis. Elles me font presque de la peine : c’est que, pour des femmes qui en somme viennent vendre une enfant, elles ont un air que je n’attendais pas ; je n’osa pas dire un air d’honnêteté (c’est un mot de chez nous qui, au Japon n’a pas de sens), mais un air d’inconscience, de grande bonhomie ; elles accomplissent un acte qui sans doute est admis dans leur monde, et vraiment tout cela ressemble, encore plus que je ne l’aurais cru, à un vrai mariage.

— Mais qu’est-ce que je lui reproche, à cette petite ? demande M. Kangourou, consterné lui-même.

J’essaie de présenter la chose d’une manière flatteuse :

— Elle est bien jeune, dis-je, — et puis trop blanche ; elle est comme nos femmes françaises, et moi j’en désirais une jaune pour changer. — Mais c’est la peinture qu’on lui a mise, monsieur ! En dessous, je vous assure qu’elle est jaune…

Yves se penche à mon oreille :

— Là-bas, dans ce coin, frère, dit-il, contre le