Page:Loti - Madame Chrysanthème, 1899.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
73
MADAME CHRYSANTHÈME

D’ailleurs, si je me suis remis en mémoire tout cela, c’était pour me mieux marquer à moi-même la différence entre ce 14 juillet de l’an dernier, si tranquille, au milieu de choses familières connues depuis mon entrée au monde, — et celui-ci, plus agité, au milieu de choses étranges.

Aujourd’hui donc, au soleil ardent de deux heures, trois djins rapides nous entraînent à toutes jambes, Yves, Chrysanthème et moi, à la file indienne, chacun dans un petit char sautillant, — nous entraînent jusqu’à l’autre bout de Nagasaki, et là nous déposent au pied d’un escalier de géants qui monte tout droit dans la montagne.

C’est l’escalier du grand temple d’Osueva ; il est en granit, il est large comme pour donner accès à tout un corps d’armée ; il est imposant et simple comme une chose de Babylone ou de Ninive, il contraste absolument avec les mièvreries d’alentour.

Nous grimpons, nous grimpons, — Chrysanthème nonchalante, faisant la fatiguée sous son ombrelle de papier où des papillons roses sont peints sur un fond noir. En nous élevant toujours, nous passons sous d’énormes portiques religieux,