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MADAME CHRYSANTHÈME

ches pagodes relevées jusqu’aux épaules, laissant nus les bras gracieux qui ont le poli de l’ambre et qui en rappellent un peu la couleur. On entend filer chaque flèche avec un bruissement d’aile d’oiseau ; — ensuite, un petit coup sec, et le but est touché, toujours…

La nuit venue et Chrysanthème remontée à Diou-djen-dji, nous traversons, Yves et moi, la concession européenne, pour rentrer à bord et reprendre la garde jusqu’à demain. Dans ce quartier cosmopolite exhalant une odeur d’absinthe, tout est pavoisé et on tire des pétards en l’honneur de la France. Des files de djins passent, traînant, de toute la vitesse de leurs jambes nues, nos matelots de la Triomphante qui jouent de l’éventail et qui poussent des cris. On entend notre pauvre « Marseillaise » partout ; des marins anglais la chantent durement du gosier, sur un mouvement traînant et funèbre comme leur « God Save ». Dans tous les bars américains, les pianos mécaniques la jouent aussi pour attirer nos hommes, avec des variations et des ritournelles odieuses…


Ah ! un dernier souvenir drôle, qui me revient