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MADAME CHRYSANTHÈME

terais, si j’étais moins sûr de mon brave frère, et si d’ailleurs cela ne m’était absolument égal.


Dans la tranquillité de ce jardin, dans le silence tiède de ces montagnes, un grand bruit venu d’en bas nous fait tressaillir tout à coup ; un son unique, puissant, terrible, qui se prolonge en vibrations de métal d’une longueur infinie… Et cela recommence, encore plus effroyable : Boum ! apporté par une bouffée de la brise qui se lève.

Nippon Kané ! nous explique Chrysanthème.

Et elle reprend ses flèches, empennelées de vives couleurs. Nippon Kané (l’airain japonais), l’airain japonais qui résonne ! — C’est la cloche monstrueuse d’une bonzerie, située dans un faubourg au-dessous de nous. — Eh bien ! il est puissant, « l’airain japonais » ! Après qu’il a fini de tinter, quand on ne l’entend plus, il semble qu’il en reste un frémissement dans les verdures suspendues, un tremblement interminable dans l’air.


Je suis forcé de reconnaître que Chrysanthème est gentille, lançant ses flèches, la taille cambrée en arrière pour mieux bander son arc ; les man-