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XVIII

Au bout d’une heure, j’étais au milieu de la campagne absolument égaré. Autour de moi rien que l’obscurité, le silence des nuits d’hiver. J’errais dans des sentiers détrempés ; personne à qui demander ma route, aucun hameau, aucune lumière. Toujours des silhouettes noires d’arbres. Et puis, de loin en loin, des calvaires ; il y en avait de très grands que je n’avais jamais rencontrés dans ma promenade du jour.

Je rebroussai chemin en courant. Je courus longtemps dans toutes les directions. Une pluie glaciale commençait à tomber, chassée par le vent qui se levait. Cela m’était égal d’être égaré ; seulement j’avais besoin de voir quelqu’un d’ami et je me pressais pour essayer de retrouver Yves.

Il devait être fort tard quand je reconnus devant moi la chapelle de Plouherzel et le lac d’eau marine, où tombait une lueur de lune, et la masse noire de l’île de granit sur l’eau pâle, le dos de la grande bête couchée.