Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

raît que c’est un dur métier, n’est-ce pas, monsieur ?

— Oui, un dur métier, en effet… Je les ai vus à l’œuvre, dans le Grand Océan, ces marins-là, moitié baleiniers, moitié forbans, qui passent des années dans les grandes houles des mers Australes sans aborder aucune terre habitée.

— Il était si riche, mon frère Gildas, quand il est revenu de cette pêche, qu’il avait un grand sac tout rempli de pièces d’or.

— Il les avait versées là sur mes genoux, dit la vieille femme en relevant les pans de sa robe, comme pour les retenir encore, et mon tablier en était plein. De grosses pièces d’or des autres pays, marquées de toute sorte de figures de rois et d’oiseaux[1]. Il y en avait de toutes neuves, qui représentaient le portrait d’une dame avec une couronne de plumes[2], et qui valaient seules plus de cent francs, monsieur. Jamais nous n’avions vu tant d’or… Il donna mille francs à chacune de ses sœurs, mille francs à moi sa mère, et m’acheta cette

  1. Les condors chiliens.
  2. Vingt piastres de Californie (les baleiniers font d’ordinaire leurs économies en cette monnaie-là).