Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/143

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même grand bruit sourd, la même grande voix d’épouvante.

Mais tout tenait bon quand même : la longue batterie demeurait intacte, on la voyait toujours d’un bout à l’autre, par moment toute penchée, à demi retournée, ou bien se redressant toute droite avec une secousse, ayant l’air plus longue encore dans cette obscurité où les fanaux étaient perdus, paraissant se déformer et grandir, dans tout ce bruit, comme un lieu vague de rêve…

Au plafond très bas étaient pendues d’interminables rangées de poches en toile gonflées toutes par un contenu lourd, ayant l’air de ces nids que les araignées accrochent aux murailles, — des poches grises enfermant chacune un être humain, des hamacs de matelots.

Çà et là, on voyait pendre un bras, ou une jambe nue. Les uns dormaient bien, épuisés par les fatigues ; d’autres s’agitaient et parlaient tout haut dans de mauvais songes. Et tous ces hamacs gris se balançaient, se frôlaient dans un mouvement perpétuel ; ou bien se heurtaient durement et les têtes se blessaient.

Sur le plancher, au-dessous des pauvres dor-