Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

accoudé, de longues heures d’étude ; et le tableau noir sur lequel j’écrivais fiévreusement, avant l’examen, les formules compliquées de la mécanique et de l’astronomie.

Yves, à cette époque, était un petit garçon qu’on eût dit sérieux et sage, un petit novice breton, à la figure très douce, qui habitait le vaisseau d’à côté, la Bretagne, le voisin et le compagnon du Borda. Nous étions des enfants, alors, — aujourd’hui des hommes faits, — demain… la vieillesse, — après-demain, mourir.

XXXI

Dimanche, jour de grande soûlerie dans Brest.

Dix heures du soir. — Nuit calme, clair de lune sur la mer tranquille ; à bord de la Médée, les matelots ont fini de chanter leurs longues chansons, et le silence vient de se faire.

Depuis la tombée de la nuit, mes yeux sont tournés vers les lumières de la ville. J’attends avec inquiétude cette chaloupe dont Yves est le patron : elle est allée à terre et ne revient pas.