Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/157

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… Et les trois maîtres se tiennent toujours là, tout près de lui, continuant de crier, de l’injurier, de le menacer, trois vieux ivrognes, grotesques dans leur bégaiement de fureur, et qui seraient très risibles si la discipline, implacable, n’était pas derrière eux pour rendre cette scène affreusement grave.

Yves, debout, les poings serrés, les cheveux tombés sur le front, la chemise déchirée, la poitrine toute nue, à bout de courage pour endurer ces injures, prêt à frapper, en appelle à moi du regard, dans sa détresse.

Ô la discipline militaire ! à certaines heures, elle est bien lourde. Je suis l’officier de quart, moi, et il est contre toutes les règles que je m’en mêle autrement que par des paroles calmes, et en les remettant tous à la justice du capitaine d’armes.

Contre toutes les règles, aussi, je saute à bas de la passerelle et je me jette sur Yves ; — il était temps ! — Je passe mes bras autour de ses bras à lui, que j’arrête ainsi dans les miens au moment terrible où ils allaient frapper.

Et je les regarde, les autres, qui alors, en présence de ce renversement de la situation, battent