Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/186

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veau personnage, une vieille très laide et très extraordinaire, qui fait son entendue et à qui on obéit : — c’est la sage-femme, à ce qu’il paraît.

— Elle a l’air un peu sorcière, dit Anne, qui devine mon impression ; mais c’est une très bonne femme.

— Oh ! oui, une très bonne femme, appuie le vieux Corentin ; c’est un air qu’elle a comme cela, monsieur, mais elle ne manque pas de religion, et même elle a obtenu de grandes bénédictions, l’an passé, au pèlerinage de Sainte-Anne. »

Cassée en deux comme Carabosse, un nez crochu en bec de chouette et des petits yeux gris bordés de rouge, qui clignotent très vite comme ceux des poules, elle va de droite et de gauche, affairée, avec sa grande collerette de cérémonie toute raide ; quand elle parle, sa voix surprend comme un son de la nuit : on croirait entendre la hulotte des sépulcres.

Yves et moi, nous n’aimions pas d’abord cette vieille auprès du nouveau-né ; mais nous songeons ensuite que, depuis cinquante ans, elle préside aux naissances des petits enfants du pays de Toulven, sans avoir jamais porté malheur à aucun, bien au