Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/192

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que je tremblais de briser dans mes mains inhabiles, monter les marches de l’autel avec ce précieux petit fardeau, et lui faire embrasser la nappe blanche sur laquelle pose le saint sacrement. Je me sentais très gauche en uniforme, j’avais l’air de porter un poids des plus lourds. Je ne m’imaginais pas que ce fût une chose si difficile de tenir un nouveau-né ; encore il était endormi : s’il eût été en mouvement, jamais je n’aurais pu réussir.

Tous les enfants du village nous guettaient au départ, de petits gars bretons avec des mines effarouchées, des joues bien rondes et de longs cheveux.

Les cloches sonnaient joyeusement en haut de l’antique flèche grise et le Te Deum venait d’éclater derrière nous, entonné à pleine voix par des petits enfants de chœur en robe rouge et surplis blanc.

On nous laissa passer, encore tranquilles et recueillis, dans l’allée fleurie que bordaient les tombes ; — mais après, quand nous fûmes dehors !…

Petit Pierre, cause de tout ce tapage, était parti devant, emporté de plus en plus vite par la vieille au nez crochu, et dormant toujours de son sommeil innocent. Anne et moi, nous étions assaillis ; petits garçons et petites filles nous entouraient avec des