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Le lieu était sauvage. Ces collines boisées, ces tapis de lichen, cela ressemblait à des paysages des temps passés, tout en ne portant la marque d’aucune époque précise. Mais le costume d’Anne était du plein moyen âge et alors on avait l’impression de cette période-là.

Non pas le moyen âge sombre et crépusculaire compris par Gustave Doré, mais le moyen âge au soleil et plein de fleurs, de ces mêmes éternelles fleurs des champs de la Gaule qui s’épanouissaient aussi pour nos ancêtres.

… Onze heures quand nous revînmes à la chaumière des vieux Keremenen pour dîner ; il faisait très chaud cet été-là, en Bretagne ; toutes ces fougères, toutes ces fleurettes roses des chemins se courbaient sous ce soleil inusité, qui les fatiguait même à travers les branchages verts.

Une heure. — Pour moi, temps de partir. — J’allai embrasser d’abord petit Pierre, qui dormait toujours dans sa corbeille de chêne antique, comme si ces quatre jours ne lui avaient pas suffi pour se remettre de toute la fatigue qu’il avait prise pour venir au monde.

Je fis mes adieux à tous. Yves, pensif, debout