Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/250

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cinq heures qu’Yves était aux fers. Je songeais au petit Pierre et à Marie, aux bonnes gens de Toulven, qui avaient mis leur espoir en moi, et puis à un serment que j’avais fait à une vieille mère de Plouherzel.

Surtout, je sentais que j’aimais toujours mon pauvre Yves comme un frère… Je rentrai chez moi, et vite je me mis à lui écrire ; ce devait être le seul moyen entre nous deux ; avec nos caractères, les explications ne nous réussissaient jamais. — Je me dépêchais, j’écrivais en très grosses lettres, pour qu’il pût lire encore : la nuit venait vite, et, dans l’arsenal, la lumière est chose défendue.

Et puis je dis au sergent d’armes :

— Allez chercher Kermadec, et amenez-le parler à l’officier de quart, ici, dans ma chambre.

J’avais écrit :


« Cher frère,

« Je te pardonne et je te demande de me pardonner aussi. Tu sais bien que nous sommes frères maintenant et que, malgré tout, c’est à la vie à la mort entre nous deux. Veux-tu que tout ce que nous avons fait et dit sur la Sèvre soit oublié, et