Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/260

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jaune pâle, des pervenches violettes, des bourraches bleues, et même des silènes roses, les premières du printemps.

Petit Pierre en ramassait tant qu’il pouvait, très agité, ne sachant jamais auxquelles courir, et poussant de gros soupirs, comme accablé d’une besogne très importante ; il me les apportait bien vite par petits paquets, toutes mal cueillies, à moitié chiffonnées dans ses petits doigts, et la queue trop courte.

De la hauteur où nous étions, on voyait des bois à perte de vue ; les épines-noires étaient déjà fleuries ; toutes les branches, toutes les brindilles rougeâtres, pleines de bourgeons, attendaient le printemps. Et, là-bas, l’église de Toulven dressait au milieu de ce pays d’arbres sa flèche grise.

Nous étions restés si longtemps dehors, qu’on avait mis Corentine en vigie dans le sentier vert pour annoncer notre retour. Nous la voyions de loin qui sautait, qui sautait, qui faisait le diable toute seule, avec sa grande coiffe et sa collerette au vent. Et elle criait bien fort :

— Les voilà qui arrivent, Pierre brass et Pierre vienn ? (Pierre grand et Pierre petit) en se donnant main tous deux.