Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/261

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Et elle tournait la chose en chanson et la chantait sur un air de Bretagne très vif, en dansant en mesure :


Les voilà qui arrivent !
Et ils se donnent la main tous deux,
Pierre brass et Pierre vienn !


Sa grande coiffe et sa collerette au vent, elle dansait comme une petite poupée devenue folle. Et la nuit tombait, nuit de mars, toujours triste, sous la voûte effeuillée des vieux arbres. Un froid courait tout à coup comme un frisson de mort sur les bois, après le soleil tiède du jour :


Et ils se donnent la main tous deux,
Pierre brass et Pierre vienn !
Et Pierre vienn bugel-du !


Bugel-du (le petit bonhomme noir), ce même surnom qu’Yves avait porté, elle le donnait à son petit cousin Pierre, toujours à cause de cette couleur bronzée des Kermadec. Alors je l’appelai : Moisel vienn pen-melen (petite demoiselle à tête jaune), et ce nom lui resta ; il lui allait bien, à cause de ses cheveux toujours échappés de sa coiffe, comme des écheveaux de soie couleur d’or.