Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/305

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— L’autre jour, tu es rentré à bord ?

— Non !

Encore un silence. Elle sentait l’angoisse qui venait plus forte.

— Depuis trois jours, Yves, tu n’es pas rentré ?

— Non !

Alors elle n’osa plus parler, ayant peur de comprendre la chose terrible ; voulant retenir les minutes, même ces minutes qui étaient faites d’incertitude et d’angoisse, parce qu’il était encore là, lui, devant elle, peut-être pour la dernière fois.

À la fin, la question poignante sortit de ses lèvres :

— Que comptes-tu faire, alors ?

Et lui, à voix basse, simplement, avec cette tranquillité des résolutions implacables, laissa tomber ce mot lourd :

— Déserter !

Déserter !… oui, c’était bien ce qu’elle avait deviné depuis quelques secondes, en voyant ce costume changé, ce petit paquet d’effets de matelot soigneusement pliés dans un mouchoir.

Elle s’était reculée, sous le poids de ce mot, s’appuyant derrière elle au mur avec ses mains, la