Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/322

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le cercle immense, le miroir illimité des eaux…

Un timonier est allé regarder l’heure à la montre. Par déférence pour la lune, il doit noter, sur ce grand registre toujours ouvert, qui est le journal du bord, l’instant très précis auquel elle s’est couchée.

Puis il revient pour me dire :

— Capitaine, il est l’heure de réveiller au quart.

Déjà ! Déjà finies mes quatre heures de nuit, — et l’officier de relève qui va bientôt paraître.

Je commande :

Chefs et chargeurs à réveiller au quart[1] !

Alors, quelques-uns de ceux qui dormaient à plat pont comme des momies blanches se lèvent, en éveillent quelques autres ; ils partent toute une bande, et descendent. Et puis on entend en bas dans le faux pont, une vingtaine de voix chanter l’une après l’autre, — en cascade comme on fait pour Frère Jacques, — une sorte d’air très ancien, qui est joyeux et moqueur.

  1. Commandement réglementaire. — À bord, l’équipage est divisé en un certain nombre de séries, formant chacune l’armement d’une pièce de canon. — Le chef et les chargeurs de cette pièce doivent conduire les hommes de leur série, et réveiller ceux qui les remplacent pour le quart.