Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/339

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Ces dames causent :

— Et alors, qu’est-ce qu’il fait votre mari sur le Kerguelen, madame Quémeneur ?

— Il est chef d’hune, madame Kerdoncuff.

— Et le mien aussi donc, il est chef d’hune, madame Quémeneur ! Eh ! les femmes de chef peuvent bien trinquer ensemble… Alors, à la vôtre, Victoire-Yvonne !

Ces dames s’appellent déjà par leur petit nom. Les verres se vident.

Marie tourne vers elles son regard clair, les dévisageant tout à coup avec une grande curiosité, comme on fait pour les bêtes de ménagerie. Et puis elle a envie de s’en aller. Mais, dans la rue, la pluie tombe fort, et, devant la porte de la caisse, il y a encore bien du monde.

— À la vôtre, Victoire-Yvonne !

— À la vôtre, Françoise !

Allons, le litre y passera.

Ces dames se racontent leurs petites affaires : C’est dur tout de même pour joindre les deux bouts ! Mais tant pis ! le boulanger, lui, d’abord, pourra bien attendre le trimestre prochain. Le boucher, eh bien, on lui donnera un acompte. Aujour-