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XCIII

Sur ce Primauguet, mon cher Yves était sans reproche, comme il nous l’avait promis. Les officiers le traitaient avec des égards un peu particuliers à cause de sa tenue, de sa manière d’être, qui n’étaient déjà plus celles de tous les autres. Et il restait, malgré tout, au premier rang de cette rude bande dont le maître d’équipage disait avec orgueil :

— Ça, c’est moitié requin ; ça n’a pas peur.

Il avait repris son habitude d’autrefois d’arriver le soir, à petits pas de chat, dans ma chambre, aux heures où je la lui abandonnais. Il s’installait à lire mes livres ou mes papiers, sachant bien qu’il avait permission de tout regarder ; il apprenait à comprendre les cartes marines, s’amusait à y marquer des points et à y mesurer des distances. Très souvent, il écrivait à sa femme, et il arrivait que ses petites lettres, interrompues par la manœuvre, restaient à courir parmi les miennes. J’en trouvai une un jour qui était destinée sans doute à