Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/395

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rettes blanches ! Déjà passé, tout cela ; à présent, elle est vide et silencieuse. Nous nous asseyons sur les vieux bancs de chêne, nous accoudant sur la table où nous avions fait le grand repas joyeux. La grand’mère est sur un escabeau, filant à sa quenouille, la tête basse ; son air déjà devenu caduc et égaré.

Bien que le soleil ne soit pas encore très bas, ici il fait noir.

Autour de nous, rien que des choses d’autrefois, pauvres et primitives. Des chapelets très grossiers sont suspendus aux pierres brutes, au granit des murs ; dans les coins perdus d’ombre, on aperçoit les cosses de chêne amassées pour l’hiver, et de vieux ustensiles de ménage, noircis et poudreux, aux formes anciennes et naïves.

Jamais nous n’avions si bien senti combien tout cela est passé et loin de nous.

C’est la vieille Bretagne d’autrefois, bientôt morte.

Par la cheminée filtre la lumière du ciel, des tons verts tombent d’en haut sur les pierres de l’âtre, et par la porte ouverte on aperçoit le sentier breton, avec un rayon du soleil couchant dans les chèvrefeuilles et les fougères.