Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/49

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Le jour où j’étais arrivé à Brest, en 1867, pour y prendre ce premier uniforme de marin en toile dure, que je vois encore, le hasard m’avait fait rencontrer Yves Kermadec chez un protecteur à lui, un vieux commandant qui avait connu son père. Yves était alors un enfant de seize ans. On me dit qu’il allait passer novice après deux années de mousse. Pour le moment, il revenait de son pays, à l’expiration d’une permission de huit jours qu’on lui avait donnée ; il semblait avoir le cœur très gros des adieux qu’il venait de faire pour longtemps à sa mère. Cela, et notre âge, qui était à peu près le même, c’était entre nous deux points communs.

Un peu plus tard, étant devenu midship, je retrouvai sur mon premier navire ce Kermadec, qui s’était fait homme et qui était gabier.

Alors je le choisis pour être mon gabier de hamac.

Pour un midship, le gabier de hamac, c’est le matelot chargé de lui accrocher tous les soirs son petit lit suspendu et de le lui décrocher tous les matins.

Avant d’emporter le hamac, il faut naturellement réveiller le dormeur qui est dedans et le