Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/66

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étions voisins dans ce temps-là, monsieur, et même, quand vous êtes arrivé au monde, on est venu me chercher. Mais c’est que vous lui ressemblez, à votre père ! Aussi je vous regardais quand vous êtes entré. Vous n’êtes pas encore si beau que lui, dame ! quoique vous soyez pourtant un bien bel homme.

Yves, à ce compliment, me jette un coup d’œil, avec une envie de rire ; et puis la vieille femme, très bavarde, se met à lui raconter un tas de choses sur lesquelles un peu plus de vingt années ont passé et que lui écoute, recueilli et tout ému.

Ensuite elle appelle encore d’autres femmes qui étaient aussi des voisines, et tout ce monde raconte.

Jésus ma doué ! disent-elles, comment cela se peut-il qu’on ne vous ait pas répondu plus tôt. Tout le monde s’en souvient, de vos parents, mon bon monsieur ; mais les gens sont bêtes dans notre pays ; et puis, quand on voit des étrangers comme ça, pas étonnant qu’on ne soit pas très causeur.

Le père d’Yves a laissé dans le pays le souvenir un peu légendaire d’une sorte de géant qui était