Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/76

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ces choses rares qui guérissent les gencives fatiguées par le sel). Et puis il avait sa perruche attachée par une patte et fermant sous le soleil ses yeux clignotants.

Sa perruche était un hibou à grosse tête des pampas, tombé un jour à bord à la suite d’un grand vent.

Il y a de bizarres destinées sur la terre, ainsi celle de ce hibou faisant le tour du monde en haut d’un mât. Quel sort inattendu !

Il connaissait son maître et le saluait par de petits battements d’ailes joyeux. Yves lui faisait régulièrement manger sa propre ration de viande, ce qui pourtant ne l’empêchait pas d’élargir.

Cela l’amusait beaucoup, en le regardant de tout près, de tout près, dans les yeux, de le voir se retirer, se cambrer d’un air de dignité offensée, en dodelinant de la tête avec un tic d’ours. Alors il était pris de fou rire, et il lui disait avec son accent breton :

— Oh ! Mais comme tu as l’air bête, ma pauvre perruche !

De là-haut, on dominait comme de très loin le pont de la Sibylle, une Sibylle aplatie, fuyante, très