Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/83

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pour préparer ses lignes à prendre les oiseaux. « On avait vu, disait-il, les premiers damiers derrière. »

Ces damiers sont des oiseaux du large, proches parents des goélands, et les plus jolis de toute cette famille de la mer : d’un blanc de neige, les plumes douces et soyeuses, avec un damier noir finement dessiné sur les ailes.

Les premiers damiers ! C’est déjà un grand éloignement qu’indique leur seule présence, signe qu’on a laissé bien loin derrière soi notre hémisphère boréal et qu’on arrive aux régions froides qui sont sur l’autre versant du monde, là-bas vers le sud.

Ils étaient en avance pourtant, ces damiers-là ; car nous naviguions encore dans la zone bleue des alizés. Et c’était tous les jours, tous les jours, toutes les nuits, le même souffle régulier, tiède, exquis à respirer ; et la même mer transparente, et les mêmes petits nuages blancs, moutonnés, passant tranquillement sur le ciel profond ; et les mêmes bandes de poissons volants s’enlevant comme des fous avec leurs longues ailes humides et brillant au soleil comme des oiseaux d’acier bleui.

Il y en avait des quantités, de ces poissons vo-