Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/84

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lants, et quand il s’en trouvait d’assez étourdis pour s’abattre à bord, vite les gabiers leur coupaient les ailes et les mangeaient.


L’heure qu’Yves affectionnait pour descendre de sa hune et venir rendre visite à ma chambre, c’était le soir, au moment surtout où les appels et le branle-bas venaient de finir. Il arrivait tout doucement, sans faire avec ses pieds nus plus de bruit qu’un chat. Il buvait à même un peu d’eau douce dans une gargoulette à rafraîchir qui était pendue à mon sabord, et puis il mettait en ordre diverses choses qui m’appartenaient ou bien lisait quelque roman. Il y en avait un surtout de George Sand qui le passionnait : le Marquis de Villemer. À première lecture, je l’avais surpris près de pleurer, vers la fin.

Yves savait coudre très habilement, comme tous les bons matelots, et c’était drôle de le voir se livrer à ce travail, étant donnés son aspect et sa tournure. Dans ses visites du soir, il lui arrivait de passer en revue mes vêtements de bord et d’y faire des réparations qu’il jugeait mon domestique incapable d’exécuter comme il convenait.