Page:Loti - Mon frère Yves, 1893.djvu/91

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’on m’avait donnée était courte, et le temps me manquait, cette fois, pour aller voir ma mère ; alors j’allais voir la sienne, et faire connaissance avec son village, qu’il aimait.

Et, à présent, je regrettais de m’être mis en route Yves, tout absorbé dans sa joie de revenir, me parlait bien toujours, par déférence ; mais son esprit n’était plus avec moi. Je me sentais un étranger dans ce coin de monde où nous allions arriver, et toute cette Bretagne, que je n’aimais pas encore, m’oppressait de sa tristesse…

Paimpol. — Nous roulons sur des pavés, entre des vieilles maisons noires, et la diligence s’arrête. Des gens sont là, qui attendent avec des lanternes. Les mots bretons s’entrecroisent avec les mots français.

— Y a-t-il des voyageurs pour l’hôtel Le Pendreff ? demande une voix de petit garçon.

L’hôtel Le Pendreff, j’en ai maintenant souvenance… C’était, il y a neuf ans, pendant ma première année de marine ; je m’y étais reposé une heure, un jour de juin, mon navire étant venu par hasard mouiller dans une baie des environs. Oui, je me rappelle : une ancienne maison seigneuriale,