Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

D’ailleurs, aucune voile en vue, aucune fumée. — Et pour le moment, ils aimaient presque mieux cela : ils avaient grande crainte de ces sauveteurs anglais qui viennent de force vous tirer de peine à leur manière, et dont il faut se défendre comme de pirates.

Ils se démenaient tous, changeant, chavirant l’arrimage. Turc, leur chien, qui ne craignait pourtant pas les mouvements de la mer, était très émotionné lui aussi par cet incident : ces bruits d’en dessous, ces secousses dures quand la houle passait, et puis ces immobilités, il comprenait très bien que tout cela n’était pas naturel, et se cachait dans les coins, la queue basse.

Après, ils amenèrent des embarcations pour mouiller des ancres, essayer de se déhaler, en réunissant toutes leurs forces sur des amarres — une rude manœuvre qui dura dix heures d’affilée ; — et, le soir venu, le pauvre bateau, arrivé le matin si propre et pimpant, prenait déjà mauvaise figure, inondé, souillé, en plein désarroi. Il s’était débattu, secoué de toutes les manières, et restait toujours là, cloué comme un bateau mort.