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Ploubazlanec, ce 5 mars 1884.
« Mon cher petit-fils, »

. . . . . . . . . . . . . . . . .

C’était bien de sa bonne vieille grand’mère ; alors il respira mieux. Elle avait même apposé au bas sa grosse signature apprise par cœur, toute tremblée et écolière : « Veuve Moan. »

Veuve Moan. Il porta le papier à ses lèvres, d’un mouvement irréfléchi, et embrassa ce pauvre nom comme une sainte amulette. C’est que cette lettre arrivait à une heure suprême de sa vie : demain matin, dès le jour, il partait pour aller au feu.

On était au milieu d’avril ; Bac-Ninh et Hong-Hoa venaient d’être pris. Aucune grande opération n’était prochaine dans ce Tonkin, — pourtant les renforts qui arrivaient ne suffisaient pas, — alors on prenait à bord des navires tout ce qu’ils pouvaient encore donner pour compléter les compagnies de marins déjà débarquées. Et Sylvestre, qui avait langui longtemps dans les croisières et les blocus, venait d’être désigné avec quelques