Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/216

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Cela seul faisait déjà frissonner, dans ce silence. Et puis, comme si, au contraire, une apparition eût été évoquée par ce son vibrant de cornemuse, une grande chose imprévue s’était dessinée en grisaille, s’était dressée menaçante, très haut tout près d’eux : des mâts, des vergues, des cordages, un dessin de navire qui s’était fait en l’air, partout à la fois et d’un même coup, comme ces fantasmagories pour effrayer qui, d’un seul jet de lumière, sont créées sur des voiles tendus. Et d’autres hommes apparaissaient là, à les toucher, penchés sur le rebord, les regardant avec des yeux très ouverts dans un réveil de surprise et d’épouvante…

Ils se jetèrent sur des avirons, des mâts de rechange, des gaffes — tout ce qui se trouva dans la drôme de long et de solide — et les pointèrent en dehors pour tenir à distance cette chose et ces visiteurs qui leur arrivaient. Et les autres aussi, effarés, allongeaient vers eux d’énormes bâtons pour les repousser.

Mais il n’y eut qu’un craquement très léger dans les vergues, au-dessus de leurs têtes, et les mâtures, un instant accrochées, se dégagèrent aussitôt sans aucune avarie ; le choc, très doux par ce calme,