Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/243

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ment, — et, malgré tout, ne pouvait se détacher de lui, ni croire qu’il fût sans cœur.

Le fait est que, depuis son retour, sa vie était bien dissipée.

D’abord il y avait eu la tournée habituelle d’octobre dans le golfe de Gascogne, — et c’est toujours pour ces Islandais une période de plaisir, un moment où ils ont dans leur bourse un peu d’argent à dépenser sans souci (de petites avances pour s’amuser, que les capitaines donnent sur les grandes parts de pêche, payables seulement en hiver).

On était allé, comme tous les ans, chercher du sel dans les îles, et lui s’était repris d’amour, à Saint-Martin-de-Ré, pour certaine fille brune, sa maîtresse du précédent automne. Ensemble ils s’étaient promenés, au dernier gai soleil, dans les vignes rousses toutes remplies du chant des alouettes, tout embaumées par les raisins mûrs, les œillets des sables et les senteurs marines des plages ; ensemble ils avaient chanté et dansé des rondes à ces veillées de vendange où l’on se grise, d’une ivresse amoureuse et légère, en buvant le vin doux.