Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/258

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Gaud ne parlait pas non plus de peur de donner à Yann une occasion de prendre congé ; elle eût voulu rester sur ce bon regard doux qu’elle avait reçu de lui, marcher les yeux fermés pour ne plus voir rien autre chose, marcher ainsi bien longtemps à ses côtés dans un rêve qu’elle faisait, au lieu d’arriver si vite à leur logis vide et sombre où tout allait s’évanouir.

À la porte, il y eut une de ces minutes d’indécision pendant lesquelles il semble que le cœur cesse de battre. La grand’mère entra sans se retourner ; puis Gaud, hésitante, et Yann, par derrière, entra aussi…

Il était chez elles, pour la première fois de sa vie ; sans but, probablement ; qu’est-ce qu’il pouvait vouloir ?… En passant le seuil, il avait touché son chapeau, et puis, ses yeux ayant rencontré d’abord le portrait de Sylvestre dans sa petite couronne mortuaire en perles noires, il s’en était approché lentement comme d’une tombe.

Gaud était restée debout, appuyée des mains à leur table. Il regardait maintenant tout autour de lui, et elle le suivait dans cette sorte de revue silencieuse qu’il passait de leur pauvreté. Bien pauvre,