Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/261

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l’heure… Asseyez-vous, monsieur Yann, et prenez un verre de cidre avec nous…

Mais non, elle ne pouvait pas répondre, Gaud ; aucun mot ne lui venait plus, dans son extase… C’était donc vrai qu’il était bon, qu’il avait du cœur. Elle le retrouvait là, son vrai Yann, tel qu’elle n’avait jamais cessé de le voir en elle-même, malgré sa dureté, malgré son refus sauvage, malgré tout. Il l’avait dédaignée longtemps, il l’acceptait aujourd’hui, — et aujourd’hui qu’elle était pauvre ; c’était son idée à lui sans doute, il avait eu quelque motif qu’elle saurait plus tard ; en ce moment, elle ne songeait pas du tout à lui en demander compte, non plus qu’à lui reprocher son chagrin de deux années… Tout cela, d’ailleurs, était si oublié, tout cela venait d’être emporté si loin, en une seconde, par le tourbillon délicieux qui passait sur sa vie !… Toujours muette, elle lui disait son adoration rien qu’avec les yeux, tout noyés, qui le regardaient à une extrême profondeur, tandis qu’une grosse pluie de larmes commençait à descendre le long de ses joues…

— Allons, Dieu vous bénisse ! mes enfants, dit la grand’mère Moan. Et moi, je lui dois un grand