Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/323

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

faire fuir le temps plus vite. Leur causerie avait le caractère à part de tout ce qui va inexorablement finir ; les plus insignifiantes petites choses qu’ils se disaient semblaient devenir ce jour-là mystérieuses et suprêmes…

À la dernière minute du départ, Yann enleva sa femme entre ses bras et ils se serrèrent l’un contre l’autre sans plus rien dire, dans une longue étreinte silencieuse.

Il s’embarqua, les voiles grises se déployèrent pour se tendre à un vent léger qui se levait dans l’ouest. Lui, qu’elle reconnaissait encore, agita son bonnet d’une manière convenue. Et longtemps elle regarda, en silhouette sur la mer, s’éloigner son Yann. — C’était lui encore, cette petite forme humaine debout, noire sur le bleu cendré des eaux, — et déjà vague, perdue dans cet éloignement où les yeux qui persistent à fixer se troublent et ne voient plus…

… À mesure que s’en allait cette Léopoldine, Gaud, comme attirée par un aimant, suivait à pied le long des falaises.

Il lui fallut s’arrêter bientôt, parce que la terre était finie ; alors elle s’assit, au pied d’une dernière