Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/324

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grande croix, qui est là plantée parmi les ajoncs et les pierres. Comme c’était un point élevé, la mer vue de là semblait avoir des lointains qui montaient, et on eût dit que cette Léopoldine, en s’éloignant, s’élevait peu à peu, toute petite, sur les pentes de ce cercle immense. Les eaux avaient de grandes ondulations lentes, — comme les derniers contre-coups de quelque tourmente formidable qui se serait passée ailleurs, derrière l’horizon ; mais dans le champ profond de la vue, où Yann était encore, tout demeurait paisible.

Gaud regardait toujours, cherchant à bien fixer dans sa mémoire la physionomie de ce navire, sa silhouette de voilure et de carène, afin de le reconnaître de loin, quand elle reviendrait, à cette même place, l’attendre.

Des levées énormes de houle continuaient d’arriver de l’ouest, régulièrement l’une après l’autre, sans arrêt, sans trêve, renouvelant leur effort inutile, se brisant sur les mêmes rochers, déferlant aux mêmes places pour inonder les mêmes grèves. Et à la longue, c’était étrange, cette agitation sourde des eaux avec cette sérénité de l’air et du ciel ; c’était comme si le lit des mers,