Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/336

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Encore une rafale, et des feuilles mortes qui entraient en dansant. Une rafale plus forte, comme si ce vent d’ouest, qui avait jadis semé ces morts sur la mer, voulait encore tourmenter jusqu’à ces inscriptions qui rappelaient leurs noms aux vivants.

Gaud regardait, avec une persistance involontaire, une place vide, sur le mur, qui semblait attendre avec une obsession terrible, elle était poursuivie par l’idée d’une plaque neuve qu’il faudrait peut-être mettre là, bientôt, avec un autre nom que, même en esprit, elle n’osait pas redire dans un pareil lieu.

Elle avait froid, et restait assise sur le banc de granit, la tête renversée contre la pierre.

… perdu aux environs de Norden-Fiord,
dans l’ouragan du 4 au 5 août
à l’âge de 23 ans…
Qu’il repose en paix !

L’Islande lui apparaissait, avec le petit cimetière de là-bas, — l’Islande lointaine, lointaine, éclairée par en dessous au soleil de minuit… Et tout à coup, — toujours à cette même place vide du mur qui semblait attendre, — elle eut, avec une netteté horrible, la vision de cette plaque neuve à laquelle