Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/353

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C’était bien l’automne, l’arrière-automne, les tombées de nuit lugubres où, de bonne heure, tout se faisait noir dans la vieille chaumière, et noir aussi alentour, dans le vieux pays breton.

Les jours eux-mêmes semblaient n’être plus que des crépuscules ; des nuages immenses, qui passaient lentement, venaient faire tout à coup des obscurités en plein midi. Le vent bruissait constamment, c’était comme un son lointain de grandes orgues d’église, jouant des airs méchants ou désespérés ; d’autres fois, cela se rapprochait tout près contre la porte, se mettant à rugir comme les bêtes.

Elle était devenue pâle, pâle, et se tenait toujours plus affaissée, comme si la vieillesse l’eût déjà frôlée de son aile chauve. Très souvent elle touchait les effets de son Yann, ses beaux habits de noces, les dépliant, les repliant comme une maniaque, — surtout un de ses maillots en laine bleue qui avait gardé la forme de son corps ; quand on le jetait doucement sur la table, il dessinait de lui-même, comme par habitude, les reliefs de ses épaules et de sa poitrine ; aussi à la fin elle l’avait posé tout seul dans une étagère de leur armoire, ne voulant