Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/63

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pays, où il fait si froid et si sombre, avec une mer si mauvaise…

… Toute leur conversation du bal, Gaud, qui se la rappelait comme chose d’hier, la repassait lentement dans sa mémoire, en regardant la nuit de mai tomber sur Paimpol. S’il n’avait pas eu des idées de mariage, pourquoi lui aurait-il appris tous ces détails d’existence, qu’elle avait écoutés un peu comme fiancée ; il n’avait pourtant pas l’air d’un garçon banal aimant à communiquer ses affaires à tout le monde…

— … Le métier est assez bon tout de même, avait-il dit, et pour moi je n’en changerais toujours pas. Des années, c’est huit cents francs ; d’autres fois douze cents, que l’on me donne au retour et que je porte à notre mère.

— Que vous portez à votre mère, monsieur Yann ?

— Mais oui, toujours tout. Chez nous, les Islandais, c’est l’habitude comme ça, mademoiselle Gaud. (Il disait cela comme une chose bien due et toute naturelle.) Ainsi, moi, vous ne croiriez pas, je n’ai presque jamais d’argent. Le dimanche, c’est notre mère qui m’en donne un peu quand je viens à