Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/65

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avec d’autres était brusque et décidée, devenait, quand il lui parlait, de plus en plus fraîche et caressante ; pour elle seule, il savait la faire vibrer avec une extrême douceur, comme une musique voilée d’instruments à cordes.

Et quelle chose singulière et inattendue, ce grand garçon avec ses allures désinvoltes, son aspect terrible, toujours traité chez lui en petit enfant et trouvant cela naturel ; ayant couru le monde, toutes les aventures, tous les dangers, et conservant pour ses parents cette soumission respectueuse, absolue.

Elle le comparait avec d’autres, avec trois ou quatre freluquets de Paris, commis, écrivassiers ou je ne sais quoi, qui l’avaient poursuivie de leurs adorations, pour son argent. Et celui-ci lui semblait être ce qu’elle avait connu de meilleur, en même temps qu’il était le plus beau.

Pour se mettre davantage à sa portée, elle avait raconté que, chez elle aussi, on ne s’était pas toujours trouvé à l’aise comme à présent ; que son père avait commencé par être pêcheur d’Islande, et gardait beaucoup d’estime pour les Islandais ; qu’elle-même se rappelait avoir couru pieds nus,