Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/66

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étant toute petite, — sur la grève, — après la mort de sa pauvre mère…

… Oh ! cette nuit de bal, la nuit délicieuse, décisive et unique dans sa vie, — elle était déjà presque lointaine, puisqu’elle datait de décembre et qu’on était en mai. Tous les beaux danseurs d’alors pêchaient à présent là-bas, épars sur la mer d’Islande — y voyant clair, au pâle soleil, dans leur solitude immense, tandis que l’obscurité se faisait tranquillement sur la terre bretonne.

Gaud restait à sa fenêtre. La place de Paimpol, presque fermée de tous côtés par des maisons antiques, devenait de plus en plus triste avec la nuit ; on n’entendait guère de bruit nulle part. Au-dessus des maisons, le vide encore lumineux du ciel semblait se creuser, s’élever, se séparer davantage des choses terrestres, — qui maintenant, à cette heure crépusculaire, se tenaient toutes en une seule découpure noire de pignons et de vieux toits. De temps en temps une porte se fermait, ou une fenêtre ; quelque ancien marin, à la démarche roulante, sortait d’un cabaret, s’en allait par les petites rues sombres, ou bien quelques filles attardées rentraient de la promenade avec des bouquets de