Page:Loti - Pêcheur d Islande.djvu/75

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œil n’avait jamais regardée et qui allait sans doute être perdue pour tous, se dessécher sans être jamais vue, puisque ce Yann ne la voulait pas pour lui…

Elle se savait jolie de figure, mais elle était bien inconsciente de la beauté de son corps. Du reste, dans cette région de la Bretagne, chez les filles des pêcheurs islandais, c’est presque de race, cette beauté-là ; on ne la remarque plus guère, et même les moins sages d’entre elles, au lieu d’en faire parade, auraient une pudeur à la laisser voir. Non, ce sont les raffinés des villes qui attachent tant d’importance à ces choses pour les mouler ou les peindre…

Elle se mit à défaire les espèces de colimaçons en cheveux qui étaient enroulés au-dessus de ses oreilles et les deux nattes tombèrent sur son dos comme deux serpents très lourds. Elle les retroussa en couronne sur le haut de sa tête, — ce qui était commode pour dormir ; — alors, avec son profil droit, elle ressemblait à une vierge romaine.

Cependant ses bras restaient relevés, et, en mordant toujours sa lèvre, elle continuait de remuer dans ses doigts les tresses blondes, — comme un